A la recherche d’un test rapide et fiable pour détecter la résistance à Varroa : différentes pistes investiguées
Cet article s’inscrit à la suite de l’article “La recherche de composés déclencheurs du VSH : un chemin vers un test rapide et fiable pour détecter la résistance à Varroa” paru en avril 2024 dans Apiculture en Wallonie.
La résistance à Varroa : un atout indispensable pour le futur de l’abeille
A l’heure actuelle, tout apiculteur a au moins déjà entendu parler du tristement célèbre acarien Varroa destructor, un parasite affaiblissant fortement nos colonies d’abeilles mellifères. En effet, ce petit acarien, tant redouté des apiculteurs, fait chaque année des ravages dans les ruchers, si bien qu’il est devenu impossible de l’ignorer dans la gestion des colonies.
Actuellement, outre les différentes méthodes de luttes chimiques et biotechniques, une façon particulièrement intéressante de le combattre est de plus en plus répandue et efficace : l’utilisation d’abeilles résistantes au parasite. En effet, plusieurs comportements naturels de défense ont été observés et décrits chez les abeilles mellifères. L’un de ceux-ci, qui fait l’objet du programme de sélection coordonné par Arista, est le VSH, pour Varroa Sensitive Hygiene : hygiène sensible à Varroa. Il est particulièrement bien illustré dans l’article évoqué dans l’introduction de cet article.
Ce sont les abeilles elles-mêmes qui, par un comportement transmis d’une génération à l’autre, enrayent le cycle de reproduction de Varroa destructor. En résumé, cela consiste en un repérage par les abeilles des Varroas présents dans le couvain (lieu de reproduction de Varroa destructor), suivi d’un nettoyage du couvain infesté. Ce comportement étant génétiquement déterminé chez l’abeille, il est possible de le sélectionner.
Sélection et évaluation du taux de résistance des colonies : un travail titanesque effectué par les apiculteurs wallons
Une étape cruciale dans le processus de sélection d’abeilles résistantes à Varroa destructor est l’évaluation de cette résistance au sein même des colonies. En effet, à chaque génération les colonies les plus résistantes pourront être détectées par les apiculteurs et conservées pour de prochains croisements. Or, la méthode actuellement utilisée et qui donne les résultats les plus fiables pour le calcul du taux de résistance est chronophage et demande des connaissances spécifiques. Il s’agit de la méthode dite de comptage dans le couvain en présence d’une infestation suffisante en Varroa. De plus, il demeure difficile d’évaluer avec précision des colonies plus faiblement résistantes. En 2024 en Belgique, Arista Bee Research a enregistré 454 colonies comptées dans le couvain par les apiculteurs bénévoles. Ceci correspondait à plus de 207.000 cellules de couvain désoperculées et examinées. La méthode de comptage dans le couvain est décrite dans l’article publié par Arista Bee Research dans la revue La Santé de l’Abeille en 2024[1].
Ainsi, dans un objectif d’optimisation du processus de sélection d’abeilles VSH, Arista mène des recherches visant au développement d’un test fiable plus rapide pour l’évaluation de la résistance des colonies. Un tel test permettrait d’augmenter le nombre de colonies évaluées, accélérant ainsi le processus de sélection en augmentant son efficacité.


A la recherche de composés chimiques impliqués dans le déclenchement du comportement VSH
Certains composés semblent spécifiquement liés à l’infestation du couvain par Varroa destructor. Serait-il possible de les appliquer artificiellement pour observer, le cas échéant, un comportement VSH de la part des abeilles ?
Dans le cadre de la recherche pour une solution de test rapide, l’étude des composants chimiques déclencheurs du comportement VSH est prometteuse. En effet, bien que ces signaux chimiques restent encore largement inconnus, plusieurs candidats ont été identifiés, dont par exemple ceux retrouvés en quantité dans les cellules de couvain infestées.
Dans ce contexte, deux essais récents ont été développés pour évaluer le lien entre la présence de certains composés chimiques et la réaction de résistance des colonies. Tout d’abord, le test UBO (Unhealthy Brood Odor), créé par Wagoner et al. en 2021, repose sur l'utilisation d'un mélange spécifique d'hydrocarbures cuticulaires (lipides présents sur la cuticule des abeilles les protégeant entre autre de la dessication) pour prédire la résistance des abeilles. Cependant, des études menées par Arista en Belgique et aux Pays-Bas ont montré que le test UBO n'était pas spécifiquement lié au comportement VSH, mais déclenchait plutôt une autre forme de comportement hygiénique. Ces résultats ont mis en évidence une faible corrélation entre le score UBO et le comportement VSH, ce qui a conduit à son abandon dans les projets de sélection de colonies résistantes.
En parallèle, le test de composés dits ‘VPS’ (‘Varroa Specific Parasitization’, pour ‘spécifique au parasitisme de Varroa’), développé par Mondet et al. en 2021, se concentre sur des composés présents en plus grande quantité dans des cellules infestées par un Varroa et sa descendance. L’étude menée par Mondet montre une corrélation plus forte de ces composés avec le comportement VSH. Le test consiste à injecter des composés directement dans les cellules de couvain et à observer la réaction des abeilles. Les résultats préliminaires suggèrent que ce test pourrait être un outil fiable pour évaluer la résistance à Varroa mais des défis demeurent. L’étude envisageait la possibilité que le mélange de composés chimiques identifiés ne soit pas complet et que d'autres molécules soient nécessaires pour induire pleinement le comportement VSH.
Les composés VPS : le meilleur candidat à ce jour ?
Ces dernières années, sur base des avancées en matière de composants impliqués dans le déclenchement du comportement VSH, Arista Bee Research a mené des essais complémentaires. Ces études avaient comme objectif de reproduire les manipulations de Mondet, d’évaluer leur facilité d’application, et de vérifier si et lesquels de ces composés déclenche un comportement hygiénique dans les colonies à taux de VSH élevé et pas dans les colonies à faible taux de VSH.
Des expériences sur les composés VPS ont débuté en juillet 2023 avec pour objectif d’en tester plusieurs, choisis en collaboration avec F. Mondet. Ainsi, en suivant et adaptant son protocole expérimental, une série de colonies hautement VSH ont été comparées à une série de colonies faiblement VSH. En résumé, la manipulation consistait à prendre un cadre de couvain au sein de chaque colonie, puis d’injecter directement dans les cellules à travers l’opercule à l’aide d’une seringue la solution choisie. Le couvain était ensuite réintroduit dans sa colonie. L’on pouvait dès lors observer la réaction de chaque colonie à intervalle de temps prédéfini.
Les résultats n’ayant pas encore été publiés dans la littérature scientifique, ils ne peuvent être divulgués publiquement, cela dit, sur base de ceux-ci, il a été décidé, en Belgique, de ne pas poursuivre l’expérience tel que Fanny Mondet l’a menée en laboratoire. Les données récoltées vont permettre d'affiner le protocole et les composés à utiliser, une fois ces étapes réalisées, Arista continura à investiguer cette piste prometteuse.
Suite des recherches : plus proche des abeilles et des apiculteurs
Au vu de l’étude menée par Arista en 2023 et 2024, la conclusion a été qu’en Belgique, nous ne disposions pas d’une capacité suffisante afin de mener à bien un protocole expérimental conçu pour un laboratoire. Aussi, pour le futur, il a été décidé que la recherche serait plus appliquée, plus proche du terrain et des apiculteurs wallons.
Dans cette optique, grâce au soutien du programme de subsides de la Wallonie et de l’Europe, Arista compte mesurer différents indicateurs au sein d’un rucher expérimental composé de colonies de production présentant des taux des résistances variables. Ces indicateurs permettraient d’observer l’évolution de l’infestation de Varroas en fonction des différents taux de résistance des colonies (0 à 100%, mesurés préalablement grâce à la méthode classique de comptage dans le couvain en MiniPlus), en prenant en compte une éventuelle réinfestation de ces colonies.
La mesure du taux d’infestation dans une colonie permet de déterminer la nécessité et/ou le bon moment pour effectuer un traitement mais aussi de déterminer le niveau de résistance à Varroa.
Actuellement, les méthodes les plus utilisées sont :
- Comptage régulier des chutes de Varroas morts sur le plancher sous la ruche (lange) ;
- Prise d’échantillons d’abeilles pour déterminer les Varroas phorétiques (lavage d’un échantillon d’abeilles) ;
- Détermination de l’infestation dans le couvain en fin de saison apicole (fourchette à désoperculer) ;
- Détermination du taux de Varroas reproducteurs et non-reproducteurs dans le couvain après infestation des colonies (comptage dans le couvain).

Les deux premières méthodes nécessitent de prendre des mesures régulières afin d’obtenir une image de l’évolution du taux d’infestation Varroa. Une plus grande partie de la saison, et un travail plus conséquent seront nécessaires afin de porter un jugement définitif. La troisième et quatrième méthode donnent une évaluation plus fiable et rapide, mais demandent beaucoup plus de travail et de connaissances préalables.
Cette étude s’inscrit dans la continuité du développement en cours d’un outil d’aide à la décision pour les méthodes de luttes contre la Varroase. L’idée serait de contribuer à une diminution du taux de mortalité en Wallonie, favorisant ainsi une apiculture proactive et plus respectueuse de l’environnement via :
- Une meilleure information pour la prise de décision des apiculteurs quant aux risques liés à l’infestation de varroas dans les colonies ;
- Une réduction des traitements = éviter le ‘systématique’ en appliquant un traitement uniquement si nécessaire ;
- Le développement et la distribution de lignées résistantes dans la cadre du programme de sélection de résistance.


Conclusion
La recherche de méthodes rapides et fiables pour détecter le comportement de résistance des colonies d'abeilles à Varroa destructor est essentielle pour accélérer ce processus de sélection et réduire la charge de travail des apiculteurs. Les essais réalisés par Arista Bee Research et d'autres organismes de recherche mettent en évidence l’importance des composés chimiques qui pourraient déclencher un comportement de résistance VSH, mais aussi les moyens considérables qui seraient nécessaires pour arriver à obtenir des résultats utilisables sur le terrain.
Aussi, Arista continue d'explorer des nouvelles approches pouvant améliorer et accélérer le processus de sélection dans les différentes races présentes en Wallonie. L’accent sera donc mis dans le futur sur l’étude de corrélations possibles entre la résistance à Varroa et des mesures faciles à prendre dans les colonies, et donc accessibles au plus grand nombre d’apiculteurs. L’étude de la dynamique des populations de Varroa dans des colonies moyennement à hautement résistantes permettra, nous l’espérons, d’apporter certaines réponses. Ces efforts sont essentiels pour garantir une gestion durable des colonies face à cette menace persistante.
Références
Mondet, F., Blanchard, S., Barthes, N., Beslay, D., Bordier, C., Costagliola, G., ... & Le Conte, Y. (2021). Chemical detection triggers honey bee defense against a destructive parasitic threat. Nature Chemical Biology, 17(5), 524-530.
Wagoner, K., Millar, J. G., Keller, J., Bello, J., Waiker, P., Schal, C., ... & Rueppell, O. (2021). Hygiene-eliciting brood semiochemicals as a tool for assaying honey bee (Hymenoptera: Apidae) colony resistance to Varroa (Mesostigmata: Varroidae). Journal of Insect Science, 21(6), 4.
Guide FNOSAD, 2021. Varroa & Varroose, https://fnosad-lsa.fr/formations-fiches-pratiques/autres-guides-fiches-pratiques
[1] Succès de l’élevage d’abeilles mellifères résistantes à Varroa destructor. Par Arista Bee Research Belgium ASBL. La Santé de l’Abeille. Mars-Avril 2024. N°320, p81-93.